Grandes lignes de l’intervention de Cyrille Beerens, Président du CSYL, Conférence de Presse - Marseille, 7 mars 2003 Nous sommes aujourd’hui devant vous parce que notre ami, Yves Loviconi, a entamé une grève de la faim depuis 6 jours. Pourquoi ? Je vais tenter de vous l’expliquer, en plaidant tout autant le dossier, que la morale et la justice… Le 3 juin 2002, à Marseille, une jeune mère de famille, en instance de divorce, met fin à ses jours avec l'arme de son ami, Yves Loviconi. Quelques semaines plus tôt, celui-ci avait dénoncé des pratiques douteuses et des détournements de fonds, dans le cadre de ses activités professionnelles. Menacé à plusieurs reprises, il avait été contraint de se procurer une arme, qu'il gardait le plus souvent dans la cave de son immeuble. Béatrice Magnard, sa compagne depuis plusieurs mois ne l'ignorait pas. Cette mère de 3 enfants, malgré une certaine stabilité retrouvée avec Yves Loviconi (le fils aîné de celle-ci l’ayant d’ailleurs confirmé lors de l’instruction), était une personne fragile, qui avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide sans prévenir personne. Elle avait été victime (elle et ses enfants) de mauvais traitements de la part de son ex-mari durant de très nombreuses années. Après une nouvelle dispute téléphonique avec son ex-mari, sous prétexte d'aller prendre l'air, elle descend à la cave. Yves Loviconi, s'inquiétant de son absence, la retrouve quelques minutes plus tard l'arme à la main. Il tente de la maîtriser (un premier coup de feu part dans le fond de la cave), mais la jeune femme se dégage et parvient à se tirer une balle dans la tête. Loviconi appelle immédiatement les pompiers, prévient la police et tente lui-même de la ranimer. Transportée à l'hôpital, elle décédera le surlendemain. Malheureusement, les tamponnements et les divers prélèvements effectués sur la victime n'ont lieu que tardivement. Yves Loviconi, lui, a des traces infimes de poudre provenant du premier coup de feu sur une main. Mis en examen pour homicide, il est incarcéré aux Baumettes. Pourtant, le juge d'instruction, Régis Molat, est déjà quasiment convaincu de l'innocence de l'accusé. Après 5 mois d'incarcération, toutes les analyses établissent le suicide comme probable et confirment toutes les déclarations du prévenu. Le 6 novembre 2002, Yves Loviconi est remis en liberté. Mais voilà, celui-ci a un passé judiciaire. Incarcéré dans les années 80 pour une série de braquages, qu'il a toujours affirmé avoir été commis au bénéfice du FLNC, il ne sera libéré que 13 ans plus tard, après un long imbroglio judiciaire. Depuis son arrivée à Marseille, il avait créé une association culturelle "A.C.C.E.S." (Association Corse Culturelle Economique et Sociale) et animait régulièrement une émission de radio "Scontri è Missaghji". Homme de dialogue, qui du fait de son séjour prolongé en prison, n'avait pas vécu les guerres fratricides entre factions nationalistes, il n'a eu de cesse, depuis sa libération, de rapprocher les différents points de vues, de fédérer les énergies et de promouvoir la culture corse. Yves Loviconi aura 57 ans ce mois-ci. Il avait tiré un trait sur son passé et aspirait à la stabilité que peut procurer un foyer. Dès sa remise en liberté, le parquet fait appel de la décision du juge d’instruction et Loviconi est réincarcéré le 19 décembre. Libre pendant un peu plus d’un mois, il ne s'est jamais soustrait à l'action de la justice et s'est rigoureusement soumis aux modalités du contrôle judiciaire qui lui était imposé. Début janvier, une nouvelle expertise conclue au suicide de Béatrice Magnard. Pourtant, le 15 janvier 2003, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence qui examinait une nouvelle demande de mise en liberté, refuse de le libérer, notamment sous le prétexte qu’Yves Loviconi a un passé "dangereux". Cette même Cour d’Appel demande un transport sur les lieux pour qu’y soit effectuée une reconstitution. Sachant que les experts sont favorables à Yves Loviconi, les magistrats n’ont pas l’air pressés de faire procéder à cette reconstitution. Notre ami a entamé une grève de la faim pour protester contre ces dysfonctionnements. Nous avons la crainte fondée qu’il n’y conçoive là son ultime chance de se faire entendre. Je voudrais maintenant livrer quelques éléments à votre réflexion : Pour quel mobile Yves Loviconi aurait-il assassiné sa compagne ?
Si celle-ci s’était séparée de son mari, le divorce (et la séparation de biens) n’étaient pas prononcés. Le seul bénéficiaire est donc l’ex-mari de Béatrice Magnard. Il en a d’ailleurs profité à peine 15 jours après la mort de celle-ci, en hypothéquant la maison familiale et en faisant l’acquisition d’une voiture neuve. A ce jour, Béatrice Magnard n’a toujours pas de pierre tombale et la justice impuissante à établir ce mobile.
Le juge d’instruction, lui-même, relève que cela ne cadre pas avec le personnage et ses antécédents judiciaires. Au contraire, en l’espèce, nous pensons justement que l’expérience de la vie d’Yves Loviconi ne peut l’entraîner sur un tel chemin. Toutes les personnes qui le connaissent louent sa générosité, sa sincérité, son dévouement.
Un rapport du Parquet de Nanterre, émis en 2002, stipule qu’Yves Loviconi n’a "jamais fait parlé de lui" depuis sa libération. Aujourd’hui, nous ne demandons pas la lune. Nous voulons simplement que les magistrats se donnent les moyens de ce qu'ils réclament. La Justice veut une reconstitution, nous aussi ! Mais, elle semble bien peu pressée de faire appliquer la loi qu’elle est censée défendre, notamment l’article 63-1 du code de procédure pénale : la présomption d’innocence ! Nous avons aujourd’hui un innocent en prison. Il est temps d’agir pour éviter que ne se constitue une nouvelle affaire Dreyfus ou Seznec. Tout de suite, aidez-nous, parlez de cette affaire, dénoncer cette situation, et vous permettrez à Yves Loviconi de recouvrer la liberté au plus vite, lui qui porte déjà la souffrance d’un homme qui a perdu, dans les circonstances que vous savez, l’être cher qui partageait sa vie. Aussi,
Il est urgent que les magistrats cessent leur procédure inquisitoire et respectent enfin les droits de la défense. Cela comprend l'exigence de preuves claires et convaincantes qu’ils sont bien incapables d’apporter. Le Comité de Soutien à Yves Loviconi s’interroge sur les réelles motivations du Parquet. Est-ce une forme d’acharnement politique ou de racisme judiciaire ? D’autres autour de cette table ne se posent pas la question !
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